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Pierrick Geais
Article réservé aux abonnésEn 1995, alors qu'il véhicule une image de dilettante sexy, l'héritier du clan Kennedy surprend l'Amérique avec « George ». Un magazine politique lancé avec le soutien de Daniel Filipacchi, propriétaire, entre autres, de Paris Match. Une période faste, embellie par son mariage avec Carolyn Bessette, qui l'accompagne dans ce pari éditorial.
Sur son lit de mort, elle lui avait fait promettre d'entretenir l'inextinguible flamme des Kennedy. « Ne te trompe pas de chemin, mon fils chéri. Tu es le prochain président américain », avait soufflé Jackie, comme un ultime testament. Mais John-John avait d'autres ambitions. Lesquelles ? Il ne savait pas trop. En tout cas, pas des rêves de Maison-Blanche. Plus jeune, il voulait être comédien, mais avait été freiné dans ses premiers pas sur les planches par la désapprobation maternelle. Alors pourquoi pas patron de presse ?
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Le milieu ne lui est pas étranger, lui qui a toujours vu la vie de sa famille, puis la sienne, sur papier glacé. Son projet, un magazine qui saurait mêler politique et glamour, pop culture et investigation. Mais aucun éditeur ne prend au sérieux l'héritier de JFK, plus remarqué et remarquable pour ses pectoraux que pour sa matière grise. Seul Daniel Filipacchi - à la tête du plus grand groupe de presse français, dont Paris Match est le navire amiral - se dit prêt à lui laisser une chance.
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En visite dans les bureaux de Paris Match,John Jr séduit tout le monde
En février 1995, John Fitzgerald Kennedy Jr, débarque à Paris, accompagné de son ami et associé, Michael Berman. À l'aéroport de Roissy, il est accueilli comme une véritable rock star. « On n'a jamais vu autant de femmes s'évanouir depuis la venue des Beatles en 1964 », raconte la romancière Stéphanie des Horts dans son nouveau livre, « Carolyn et John ». Au 63, avenue des Champs-Élysées - adresse de Paris Match durant plusieurs décennies -, John séduit tout le monde, de la secrétaire aux directeurs des rédactions.
Filipacchi est ravi : avec un Kennedy dans l'équation, ce magazine ne peut être qu'un succès. On l'appellera « George », et, en couverture du premier numéro - lancé le 7 septembre 1995 -, Cindy Crawford pose grimée en premier président des États-Unis, avec perruque poudrée et lavallière. En gros titres, une interview du gouverneur de l'Alabama, une autre de Madonna qui joue à « Si j'étais présidente... » La rédaction de « George » s'installe au quarante et unième étage du Paramount Plaza, en plein coeur de Broadway, où Filipacchi a établi sa filiale américaine.
John est l'attraction du building. Chaque matin, quand il arrive à vélo, béret noir enfoncé jusqu'aux oreilles, on se presse dans le hall pour tenter de l'apercevoir. Les filles du « Elle » - à l'étage au-dessus - font tout pour se retrouver dans l'ascenseur avec lui. Mais John ne remarque même pas leurs minauderies. Son esprit est trop occupé par « George ». Et puis, il y a Carolyn Bessette, sa fiancée, omniprésente, à la maison comme au bureau. Ancienne chargée de relations publiques chez Calvin Klein, elle veut avoir le dernier mot sur la ligne artistique. Ce qui ne manque pas d'agacer Michael Berman, jaloux de l'influence de la nouvelle Mme Kennedy.
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Carolyn veut avoir le dernier mot sur la ligne artistique, ce qui ne manque pas d'agacer
Les célébrités ne se font pas prier pour poser en couverture de « George » : Barbra Streisand, Harrison Ford, Demi Moore, Ben Stiller... Mais rapidement les ventes s'effondrent. Ce qui devait être la poule aux oeufs d'or de Filipacchi ne fait que perdre de l'argent, à une époque où la presse magazine est pourtant à son firmament. John ne semble pas saisir l'air du temps : il refuse de s'engouffrer dans les scandales, de parler de « l'affaire Monica Lewinsky » dans ses pages... Incompréhensible pour les actionnaires qui exigent alors de lui qu'il se mette en scène avec Carolyn : « C'est vous que les lecteurs souhaitent voir ! » Refus catégorique, encore une fois.
L'aventure éditoriale prend subitement fin le 16 juillet 1999 : l'avion piloté par John - et à bord duquel voyagent Carolyn et sa soeur, Lauren - s'écrase au large de Martha's Vineyard. Les trois corps seront retrouvés quatre jours plus tard, encore sanglés à leur siège, les visages marqués par l'effroi. Caroline Kennedy - la soeur de John - voudrait faire perdurer « George », mais la plupart des collaborateurs sont inconsolables, comme orphelins. En janvier 2001, un dernier numéro est publié, avec John-John en couverture. « 'George' doit tout à Filipacchi et à Jean-Luc Lagardère. Moi-même, je n'aurais certainement pas pu écrire ce livre sans me plonger dans les archives de Paris Match, qui m'ont été ouvertes », nous confie Stéphanie des Horts. Kennedy et Match, une même histoire.
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